et
Laurence CHARLET
ARTIS FACTA - Ingénierie des Facteurs Humains
51, rue de l'Amiral Mouchez - 75013 PARIS
Tél : +33 1 43 13 32 33 - Fax : +33 1 43 13 32 39 *
et Fabrice BOURGEOIS (ANACT) f.bourgeois@anact.fr
Un bâtiment récent, vitrine technologique d'une institution
publique, comprend un système destiné à l'archivage
des dossiers intermédiaires entre les bureaux des utilisateurs et
l'archivage définitif. Ce système comporte :
- un support télématique de gestion permettant à
l'utilisateur de décrire ses dossiers en terme de contenu et de
conteneurs numérotés - les boîtes d'archives- et d'en
gérer les mouvements.
- une logistique physique de l'archivage des boîtes et de leur
livraison sur commande. Cette logistique conjugue deux systèmes
automatisés : d'une part, un silo de stockage alimenté par
des transtockeurs, et d'autre part, un système de convoyage des
boîtes d'archives desservant une multitude de gares réparties
dans l'ensemble du bâtiment.
Conçu et réalisé depuis quelques années,
ce dispositif logistique n'est jamais entré en service. Pour diverses
raisons, le maillon intermédiaire de cette chaîne automatisée,
à savoir des robots manipulateurs assurant la passerelle entre les
deux systèmes techniques, n'a jamais été réalisé.
Afin de sortir cette intallation de la disgrâce, la Direction
décide que la défection des robots sera compensée
par une présence humaine, en charge de l'articulation des deux systèmes
techniques.
En vue de procéder à l'aménagement de la salle
d'exploitation conçue à l'origine pour les robots et désormais
destinée à accueillir une équipe de manutentionnaires,
il est fait appel à des ergonomes. Ceux-ci interviennent, en élargissant
d'emblée la demande aux fins d'enrichir l'activité dans une
perspective de qualité globale du service. Un travail de simulation
de la situation future est initié avec les opérateurs concernés,
sous l'égide d'un groupe de projet.
Dans un contexte marqué par l'échec du projet initial,
les intervenants se heurtent assez rapidement à des attitudes de
blocage et des discours de barrage :
- la prudence des opérateurs, qui jusqu'alors cantonnés
dans les limbes du service des archives et de ce fait passablement dévalorisés,
mettent en balance les "opportunités" mal définies
de la future situation avec les bénéfices secondaires d'un
quotidien "médiocre" mais habilement contourné.
- la position de l'encadrement, qui, en s'abritant derrière le
système technique, restreint sciemment l'horizon de son champ de
responsabilités, en s'interdisant de prendre en compte dans une
analyse globale de la prestation de service à assurer, les impératifs
et les exigences des utilisateurs du dispositif l'archivage.
Au sein du groupe de projet, la rémanence du "tout automatisé"
mono-procédural envisagé à l'origine, fait obstacle
:
- aux éléments tangibles que met en lumière l'analyse
de l'activité, éléments qui portent sur les régulations
assurées par les manutentionnaires en réponse à la
diversité des demandes émanant des utilisateurs du dispositif
d'archivage.
- aux scénarios relatifs à des situations de travail proposés
par les ergonomes, scénarios qui conditionnent les choix d'aménagement
de la salle d'exploitation.
Le propos de cette communication est de montrer :
- en quoi une situation d'automatisation, incomplète et mise en
défaut, demeure néanmoins idéalisée dans les
esprits au point d'alimenter des discours normatifs, à la fois quant
aux comportements des usagers du dispositif et quant aux modes opératoires
des opérateurs chargés d'assurer le fonctionnement du dispositif,
- de quelle façon, pour pouvoir surmonter les résistances
et tenter d'assainir la situation, les ergonomes se sont livrés
à un patient et délicat exercice de "sape" des
représentations en présence, avant de pouvoir déboucher
sur des propositions concrètes d'aménagement de la salle
d'exploitation,
- comment s'est jouée la reconstruction au sein du groupe projet,
tiraillé entre la tentation de se protéger des conjurations
(des usagers, des opérateurs et ...des ergonomes) et la curiosité
d'anticiper au delà de ce qui est reconnu par ses membres.